sun

Le côté obscur des moteurs de recommandations

Ah le désespoir des soirées et weekends pluvieux ! Mais oui, vous savez bien… Ces micro-drames qui se jouent dans nos foyers, lorsque la volonté d’aller explorer le monde qui nous entoure a atteint des profondeurs abyssales, que l’on s’est réfugié sous nos couettes et qu’au bout de 3 heures de visionnage non-stop, on ne sait plus trop quoi regarder sur Netflix, OCS ou encore Amazon Prime Video.

Un instant de panique, puis il apparaît. Ah quel soulagement ! Il est là ! Ce cher ami le moteur de recommandations, qui d’un chaleureux ‘’Notre sélection parce que vous avez regardé Truc-Bidule’’ vient délicatement relancer notre hymne à la procrastination en nous proposant des heures et des heures de visionnage supplémentaire.

Car il faut bien l’avouer, ils sont omniprésents. Les algorithmes cherchent à nous influencer et à guider nos choix quotidiens : Quel livre acheter ? Quelle chanson télécharger ? Que commander à dîner pour ce soir ? Et même… Quelle personne pour ma prochaine date ?

Ils ont su se faire une place de premier rang à l’ère du digital et servent à la fois acheteurs et vendeurs.

  • Les premiers en leur épargnant bon nombre d’efforts et de temps passé à explorer une offre devenue aujourd’hui pléthorique.
  • Les seconds en permettant de fidéliser les consommateurs et de stimuler leurs ventes grâce à des expériences différenciées.
Netflix – Les préconisations par titres

Mais comme pour d’autres technologies, les systèmes de recommandations sont également la source de conséquences inattendues. C’est tout du moins ce qu’a démontré une étude récente conduite par Gediminas Adomavicius, Jesse C. Bockstedt , Shawn P. Curley, Jingjing Zhang1.

En effet l’étude prouve que loin de refléter simplement les préférences des utilisateurs, ils les façonnent véritablement et impactent les ventes de manière imprévue.

Great job guys!

Il faut bien avouer que les algorithmes de recommandations sont efficaces. Des études complémentaires le prouvent : environ 30% des pages consultées sur Amazon résultent de recommandations2, plus de 80% du contenu visionné par les abonnés de Netflix également3 et plus de la moitié des écoutes mensuelles sur Spotify proviennent des playlists personnalisées4 (sur près de 40 millions d’abonnés et plus de 8 000 artistes).

Spotify – Les découvertes de la semaine

Leur intérêt s’avère être d’autant plus pertinent pour des produits à caractère culturel, qui reposent fondamentalement sur l’expérience et les goûts, tels que la musique, la littérature ou les films.

Avec des tarifs de vente très bas ou même une relative ‘’gratuité’’ (car inclus dans l’offre d’abonnement), on pourrait s’attendre à ce que les acheteurs hésitent moins sur ce genre de produits (quitte à regretter quelque peu leur achat par la suite et expérimenter une petite frustration). 

L’étude montre qu’au contraire les utilisateurs passent beaucoup plus de temps à étudier l’offre dans ce contexte et les algorithmes capables de formuler des recommandations personnalisées pertinentes y apportent des avantages importants. Ils réduisent considérablement les temps de recherche et d’évaluation de l’intérêt d’un produit, génèrent plus de ventes et présentent de nouveaux articles désirables aux yeux des utilisateurs.

Plus qu’une simple recommandation

Pour l’utilisateur, le mécanisme par le biais duquel aboutissent ces résultats personnalisés est relativement facile à appréhender et comprendre. Il sait instinctivement qu’ils sont basés sur ses activités ou habitudes d’achat passées ou encore ses préférences exprimées via des wishlists. Rien de très obscur ni de surprenant donc à la vue d’un « Notre sélection pour … » sur Netflix ou encore de l’incontournable « Les clients ayant acheté cet article ont également acheté. » sur Amazon.

Cependant l’étude montre que ces recommandations font beaucoup plus que simplement proposer quelque chose. Elles façonnent également fortement notre comportement et impactent de façon curieuse l’expression de nos préférences.

Les moteurs de recommandations nous poussent à remettre en question nos propres attentes, nos propres choix. La question n’est plus ‘’Est-ce que j’aime ça ?’’ mais ‘’Est-ce que je devrais aimer ça ?’’

L’étude de Adomavicius, Bockstedt, Curley et Zhang s’est principalement focalisée sur le secteur de la musique en ligne et sur l’influence qu’ont les recommandations sur l’acte d’achat. Les nouveaux acteurs de distribution dans ce secteur tels que Spotify, Apple Music ou Google Play Music ont profondément modifié ce marché.

Les canaux de distribution numériques, y compris les abonnements payants, le streaming sur demande et les plateformes de téléchargement représentent actuellement 80% du marché de la musique aux Etats-Unis, 48% pour le marché français.

Apple Music – Les suggestions ‘For You’

L’étude a porté sur un panel de 169 individus, habituellement consommateurs de musique. 

Lors de la première expérience, les participants ont écouté des chansons, effectué une sélection et ont ensuite exprimé combien ils seraient prêts à payer pour ces morceaux. Tous les participants étaient persuadés que les recommandations avaient été calculées sur la base de leurs préférences à partir de données antérieures. En fait, toutes ces notes (allant de 1 à 5) ont été saisies de façon totalement aléatoire par les chercheurs et ne correspondaient en rien aux goûts des participants.

Résultat : les consignes des algorithmes ont fortement influencé l’acte d’achat. Une augmentation d’une étoile du niveau de recommandation a entraîné une augmentation de 12% à 17% d’achats supplémentaires par les participants. Un résultat très convaincant, car les recommandations aléatoires n’étaient pas liées aux préférences réelles des participants.

Plus surprenant, les mêmes effets se sont produits pour des préconisations réelles contenant des erreurs. Dans la deuxième expérience, ils ont utilisé des recommandations réelles et ont intentionnellement introduit une erreur aléatoire sur l’ensemble du catalogue, allant de -1,5 étoiles à +1,5 étoiles. Encore une fois, les participants ont privilégié les plus (faussement) positives avec une augmentation d’achat de 10% à 13% en moyenne.

Quels impacts pour les consommateurs et marchands ?

A la vue de cette étude, ces moteurs peuvent potentiellement présenter un côté obscur et la question est : peut-on véritablement leur faire confiance ? Après tout et comme cela a été le cas lors de l’étude, les préférences sont facilement manipulables, mais aussi les algorithmes utilisés sont loin d’être clairs et certains systèmes peuvent être tout simplement défectueux. Car même en écartant une manipulation directe et volontaire impactant les résultats, l’erreur aléatoire est un réel problème. Lors de leurs recherches, ils ont relevé que des systèmes de recommandations parmi les plus performants comme celui du concours Netflix Prize, étaient en moyenne erronés de 20% dans leur échelle de notation (c’est-à-dire une erreur d’environ 0,8 sur une échelle de 1 à 5 étoiles). 

La surestimation tout comme la sous-estimation des préconisations posent problème. Un indice élevé erroné incitera à l’achat mais provoquera à terme une frustration post-achat pour le consommateur. Tout comme un indice bas erroné détournera potentiellement un consommateur d’un produit qui pouvait lui convenir parfaitement. L’impact sur l’expérience d’achat est donc négatif dans les deux sens.

Dunhill – Les recommandations “Complétez votre look” et “Choisis pour vous”

Et cela ne s’arrête pas là car les effets se répercutent dans le temps au-delà de l’acte d’achat. Un consommateur frustré via ses notes et avis qui seront négatifs va biaiser et ‘’contaminer’’ le système et proposera des préconisations encore plus erronées. Cela impactera également le marchand qui aura une vision artificiellement erronée de la précision de son système et compromettra sa capacité à améliorer son moteur.

Il est nécessaire pour un marchand de prendre conscience qu’une préconisation parfaite est impossible et que les répercussions peuvent être néfastes sur ses ventes. 

Afin de réduire ces effets négatifs, l’étude préconise de concentrer les efforts d’une part sur la conception d’algorithmes poussés et innovants, et d’autre part sur une interface utilisateur véritablement adaptée. Elle insiste également sur le fait que ces deux éléments doivent être régulièrement éprouvés et améliorés via des tests utilisateurs. 

Références

  • 1‘’Effects of Online Recommendations on Consumers’ Willingness to Pay’’ par Gediminas AdomaviciusJesse C. Bockstedt , Shawn P. CurleyJingjing Zhang
  •  Gediminas Adomavicius et Shawn P. Curley sont tous deux professeurs en Sciences des Décisions et de l’Information à la Carlson School of Management de l’Université du Minnesota.
  • Jesse Bockstedt est professeur en Systèmes d’Information et Management des Opérations à la Goizueta Business School à l’Université Emory.
  • Jingjing Zhang professeur assistant en Systèmes d’Information à la Kelley School of Business de l’Université d’Indiana.
  •  2“Estimating the Causal Impact of Recommendation Systems From Observational Data” par A. SharmaJ.M. Hofman et D.J. Watts – ACM Conference on Economics and Computation (Portland, Oregon)
  • 3“The Netflix Recommender System: Algorithms, Business Value, and Innovation” par C.A. Gomez-Uribe et N. Hunt – ACM Transactions on Management Information Systems 6, N°4 (Janvier 2016)
  • 4“The Most Streamed Music From Spotify Discover Weekly” par E. Van Buskirk (Juillet 2016)

Les ‘O d’or. Notre palmarès BD 2018

Lecteurs passionnés, nous sommes beaucoup à l’agence à avoir des problèmes de bibliothèques qui débordent dans nos appartements parisiens. Bandes Dessinées, Comics, Romans graphiques, Mangas… tous les genres sont source d’inspiration.

A défaut de faire un saut à Angoulême en ce début d’année, retour sur nos coups de cœur 2018.

1. Moi ce que j’aime c’est les monstres

(Emil Ferris / Monsieur Toussaint Louverture)

Journal intime d’une artiste prodige, histoire d’une enfant fascinante, œuvre différente et sur la différence, Moi, ce que j’aime, c’est les Monstres est le fabuleux OVNI de l’été 2018.

Fin des années 60 à Chicago. Karen a 10 ans, vit avec sa mère et son frère dans un sous-sol lugubre, et adore les les fantômes, vampires et autres morts-vivants. Elle-même s’imagine en loup-garou.

Le jour de la Saint-Valentin, sa voisine – Anka Silverberg – se suicide d’une balle dans le coeur. Mais Karen n’y croit pas et décide de mener l’enquête. Entre le passé d’Anka dans l’Allemagne nazie, les personnages un peu louches de son quartier, et les secrets de sa famille, elle va vite se rendre compte que les monstres font partie de son quotidien.

Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est une oeuvre labyrinthique et vertigineuse : une oeuvre à multiples facettes :

Imposante par sa taille, fascinante par son graphisme tout au stylo bille sur carnet d’écolier d’une densité extrême parfois oppressante, le récit fourmille de références à la mythologie et à l’histoire de l’art (certaines reproductions sont tout simplement bluffantes). Tour à tour réalistes, naïfs, enfantins… un traitement visuel unique en son genre. Pour une première BD, il s’agit d’une réelle prise de risque artistique.

Le récit est très complexe, avec en trame de fond l’enquête sur la mort d’Anka, mais il comprend de nombreuses digressions (le harcèlement à l’école, l’homosexualité, les secrets de famille, l’acceptation de la différence…) pour transformer l’album en réflexion humaine et intime, questionnements et indignations sur des sujets de société.

Le format journal nous offre un kaléidoscope d’un quotidien démultiplié par l’imagination de Karen : tout est source d’intérêt, la réalité se mêle à l’imaginaire, les monstres surgissent au milieu du Chicago des années 60. N’oubliez pas, les monstres – bons ou mauvais – ne sont jamais ceux que nous croyons.

Un petit bijou d’émotions, une oeuvre qui transcende les genres.

2. Ailefroide – altitude 3954

(Olivier Bocquet / Jean-Marc Rochette / Jean-François Rey – Casterman)

Récit autobiographique et initiatique d’un gamin (Jean-Marc Rochette) qui se rêvait guide et qui devient dessinateur.

Ailefroide, c’est l’histoire d’un gamin un peu paumé, qui tâte un peu le crayon, mais c’est surtout les toiles de Soutine qui le passionnent. Entre 2 rébellions contre l’autorité parentale et enseignante, il y a la découverte de la grimpe, la première voie, cette plongée vers une montagne qui nous attire et nous ramène encore et toujours vers elle – pour le frisson du vide, l’attrait des grands espace, la majesté des sommets.

La passion tourne à l’obsession : le Massif des Ecrins, les bivouacs dans la montagne ou à flanc de falaise, de nuit, de jour, en hivernale, en cordée ou en solo… Toujours se dépasser, faire mieux que les copains, prendre plus de risques, être le premier à oser se lancer et laisser son nom dans l’histoire de l’alpinisme…

Et puis il y a la souffrance, le sang, le deuil.

Cet album est un petit bijou, une déclaration d’amour à la haute montagne, celle qui nous exalte, celle où la mort rôde. Une relation extrême entre le narrateur et celle-ci, aussi physique qu’esthétique. Esthétique parfaitement retranscrite à travers des paysages sans artifices, des cases tout en hauteur nous donnant le vertige, un dessin abrupt tout en nervosité.

L’histoire nous captive, nous bouleverse, nous prend tout simplement aux tripes – que l’on soit un passionné de grimpe ou simplement un lecteur curieux. Le récit du passage de l’adolescence à l’âge adulte ne laissera personne indifférent : se trouver, se dépasser.

3. Malaterre

(Pierre-Henry Gomont – Dargaud)

Les Nuits de Saturne, Pereira Prétend… il n’est plus besoin de présenter le talentueux Pierre-Henry Gomont qui une fois de plus fois nous éblouit avec son nouvel album. Malaterre est une autofiction, récit revisité de son histoire familiale et sa relation avec son père disparu.

Coureur, buveur, arnaqueur… Gabriel aime sa liberté et déteste l’autorité. Un jour il a le coup de foudre pour Claudia : un mariage et 3 enfants plus tard, l’ennui et ses vieux démons le reprennent et il prends la tangente.

Il s’envole pour l’Afrique où il achète un vieux domaine colonial. Après 5 ans sans donner de nouvelles, il refait surface, reconquiert ses enfants à grands renforts de cadeaux et convainc un juge d’en obtenir la garde exclusive – du moins celle des 2 aînés qu’il emmène avec lui en Afrique.

Gabriel a beau aimer ses enfants, une fois seul avec eux, il s’en désintéresse, devient négligent et distant. Il les envoie dans une école à la capitale. Les adolescents sont livrés à eux-mêmes, faisant l’apprentissage de la vie sans leurs parents, préférant grandir seuls dans un pays étranger plutôt que dans la grisaille parisienne. Lucides, ils en viendront à détester leur père.

Ce (très) bel album nous plonge dans l’ambiguïté des relations entre parents et enfants. Il s’agit avant tout du destin d’un homme excessivement rocambolesque et d’une grande générosité. Il a beau être égocentrique, manipulateur, menteur… le personnage est attachant. Entre manipulations et belles promesses, il aura réussi à abandonner, retrouver puis séparer sa famille ; faire fortune puis tout perdre ; être honnis puis aimé ; un amour filial plus fort que tout pour ce père hors du commun.

Le trait de crayon de Pierre-Henry Gomont ne fait que renforcer la vitalité et la folie du personnage : toujours en mouvement, cigarettes explosives aux lèvres. De même l’imposante demeure coloniale perdue au milieu de la jungle, la beauté et l’exotisme des lieux sont retranscrites à travers des planches aussi luxuriantes, colorées et foisonnantes que la forêt tropicale.

Fascinant et flamboyant pour son dessin – aussi dense et coloré que le scénario – Malaterre est une grande fresque humaine où tout sonne parfaitement juste.

4. L’odyssée d’Hakim

(Fabien Toulmé – Delcourt)

De la Syrie à la Turquie, l’histoire vraie d’un entrepreneur qui a dû quitter famille, amis, entreprise… pour fuir la guerre et la torture.

En pleine crise migratoire, les chiffres des morts en méditerranée ne sont plus qu’un constat quotidien passant inaperçu et laissant le citoyen indifférent. Cri du coeur ou cri du peuple, Fabien Toulmé choisi de rencontrer Hakim, réfugié Syrien, et de raconter son terrible périple.

D’une enfance marqué par la dictature aux débuts de la guerre à Damas, en passant par les premières manifestations… le récit d’une liberté déjà amoindrie qui finie par disparaître complètement – pour finalement choisir l’exil et sauver sa peau. Liban, Jordanie, Turquie, France… à chaque étape l’humiliation, l’exploitation par des employeurs peu scrupuleux, la solitude, le rejet.

Il ne s’agit pas de trouver ailleurs une vie meilleure, mais simplement de traverser l’enfer pour survivre. Entre espoir et violence, quand un conflit vous force à tout abandonner et fait de vous un réfugié.

Témoignage brut et journalistique, l’Odyssée d’Hakim est un album terriblement réaliste. Fabien Toulmé nous raconte ce périple avec beaucoup de justesse, et une empathie rare.

Un album intime et plein d’humanité.

5. L’homme Gribouillé

(Serge Lehman / Frederik Peeters – Delcourt)

Fantastique, historique, thriller, sociologique… un mélange des genres totalement surprenant qui nous tient en haleine du début à la fin.

Betty Couvreur s’ennuie dans un quotidien banal, vivant dans l’ombre de sa mère Maud, célèbre auteure pour enfants. Après que sa mère ait fait un AVC, Betty reçoit la visite d’un terrifiant maître-chanteur mi-homme mi-corbeau, qui vient lui réclamer son dû… Qui est-il ? Que veut-il ? Betty et sa fille Clara se lancent dans une enquête improbable, un voyage initiatique qui les emmènera sur les traces de Maud, et leur fera exhumer un secret venu du fond des âges.

Entre secrets de famille, légendes médiévales et sociétés occultes… ce récit torturé (et inspiré) nous embarque à un rythme fou. Plus de 300 pages d’une ambiance noire et inquiétante digne des plus grands polars.

Les dessins de Peeters sont toujours aussi envoûtants : des planches où l’eau ruisselle en permanence renforçant l’atmosphère étouffante du récit, une noirceur du trait qui colle parfaitement à la complexité des personnages… Pour ceux qui ont aimé Lupus, Pilules Bleues… vous verrez c’est encore une fois du grand Peeters !

Un album inclassable et inattendu.

Les intégrales 2018 à ne pas manquer

A chaque année ses intégrales, qui nous permettent de nous replonger avec bonheur dans certains grands classiques de la Bande Dessinée.

Découvrez notre sélection 2018.

1.L’Histoire des 3 Adolf

(Osamu Tezuka – Delcourt/Tonkam)

A l’occasion du 90ème anniversaire d’Osamu Tezuka, Delcourt et Tonkam Seinen nous proposent de magnifiques rééditions en intégrales de ses oeuvres phares.

Hitler est au pouvoir depuis 3 ans, les jeux olympiques de 1936 sont l’avènement de sa dictature. Soheï Togué, journaliste sportif, à Berlin pour couvrir les JO, découvre que son frère – en possession de documents prouvant qu’Hitler avait 1/8ème de sang Juif – a été assassiné par la Gestapo.

A la recherche des meurtriers de son frère, Soheï croisera la route de deux jeunes enfants allemands vivant au Japon et tous 2 prénommés Adolfs – l’un est juif, fils de pâtissier ; l’autre est le fils d’un diplomate nazi et d’une japonaise. Ils sont les meilleurs amis du monde jusqu’à ce que la politique d’un troisième Adolf leur fasse prendre des chemins opposés.

Adolf Kamil, Adolf Kaufmann, Adolf Hitler. 3 destins qui vont s’entrecroiser pour finalement se briser.

A la fois fiction géopolitique et thriller historique, L’histoire des 3 Adofs dénonce sans tabou le rôle du Japon dans ce conflit. Il nous plonge dans l’horreur de la guerre vue du Japon, la douleur de son peuple, le fossé entre les choix imposés par les dirigeants d’un pays et les conséquences subies par ses citoyens.

Tezuka traite également avec une grande finesse le conditionnement exercé sur les jeunes par le système nazi, les dérives du patriotisme, les relations père-fils… Une spirale de haine et de vengeance allant des Jeux olympiques de 1936 au conflit israélo-palestinien.

Une oeuvre de plus de 30 ans, mais néanmoins contemporaine.

2. Demon

(Jason Shiga – Cambourakis)

Jimmy Lee est un homme plutôt insipide jusqu’au jour où il décide de se suicider dans une banale chambre de motel. Pendaison, médicaments, arme à feu… toutes ses tentatives sont vouées à l’échec.

Jimmy se réveille après chacune de ses tentatives de suicide – rêve ou réalité ? Force lui est de constater que Dieu lui joue un mauvais tour. Quelques essais supplémentaires et une approche cartésienne du phénomène lui font comprendre qu’il prend possession du corps le plus proche.

Ce serait un sacrilège de vous en dire plus… Demon est inclassable : thriller improbable, road movie, scientifiques fous. A grand renfort d’impertinence et humour grinçant, Jason Shiga nous embarque dans un labyrinthe de projets scientifiques extravagants, meurtres de masse, chasse à l’homme… le tout porté par un style graphique minimaliste et dynamique qui fonctionne à merveille.

Tous les ingrédients sont là pour nous tenir en haleine et nous emmener de rebondissement en rebondissement.

Si vous aimez l’absurde et le second degré, Demon est fait pour vous.

3. Monkey Bizness

(El Diablo / Pozla – Ankama)

“Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements.” Charles Darwin

Los Animales. 2254.
L’espèce humaine a finalement réussie à s’autodétruire, le monde appartient désormais aux animaux. On aurait pu croire qu’eux seraient moins cons et arriveraient à vivre en paix, mais non. Il s’agit encore et toujours de conserver sa place au sommet de la chaîne alimentaire.

Arnaque, banane et cacahuètes…

Un duo alcoolisé et décérébré – Jack Mandrill le babouin et Hammerfist le gorille -, un astronaute bodybuildé qui veut reprendre aux animaux le pouvoir qu’ils ont pris aux Humains sur terre… avec en sus flics et élus corrompus, drogue, alcool, dettes d’honneur et prostituées. Voici pour la trame de fond, âmes sensibles s’abstenir.

Les dialogues sont truculents, la mise en scène complètement bordélique. Accrochez-vous bien pour ne pas perdre le fil entre un passage par la secte du jambon doré, un séjour en prison au milieu des gangs et les tentatives pour échapper à un tueur à gage.

C’est trash, c’est drôle et déjanté. Une intégrale qui vaut son pesant de cacahuètes !

#3 L’inspiration du mois. Les belles planches

Au programme ce mois-ci, des teintes qui inspirent, égayent et rassurent, des graphistes passionnés qui aiment à se risquer dans de nouveaux univers, un projet de branding frais et original pour une enseigne de vêtements de créateurs mexicains, et enfin, si vous ne l’avez pas encore découvert, le Living Coral, nouvelle couleur Pantone 2019 qui donne la pêche !

Graphisme / Identité visuelle

Marta Veludo est une jeune créatrice touche-à-tout vivant à Amsterdam. Ses productions aux teintes pastel et acidulées s’inspirent de la culture pop et de l’art populaire pour créer des expériences engageantes auprès du public. Marta ne connaît pas de limites à son art, son style spécifique se décline sur toutes formes de supports et dans des disciplines variées.

Difficile de rester indifférent face au condensé de bonne humeur émanant des réalisations de Marta ! On vous invite fortement à en découvrir plus sur son site internet 🙂 www.martaveludo.com

Un vrai talent à suivre !

Directeur artistique freelance basé à Strasbourg, Mathieu Clauss s’épanouit depuis quelques années dans un style graphique abstrait et enfantin. Pour notre plus grand plaisir, il joue avec des formes décomposées et recrée des ensembles singuliers aux couleurs vibrantes.

Mathieu Clauss a récemment travaillé sur les visuels de l’exposition Persona Non Data actuellement à la Gaïté Lyrique. On apprécie le savant morphing entre visage féminin et formes abstraites pour illustrer le sujet central de l’exposition : l’exploration autour des données personnelles. Une exposition qu’il nous tarde de faire !

Site internet : www.mathieuclauss.com / Compte Instagram : www.instagram.com/icimathieu

Packaging / Identité visuelle

Basé à Mexico, Anagrama Studio a récemment travaillé sur la création de l’identité visuelle de Fanabela, nouvelle marque de mode mexicaine au style propre et élégant. L’identité s’inspire des miroirs antiques tachetés par le temps et des vieilles valises rigides années 30-40 fermées par des sangles en cuir et des coins en acier. Les codes graphiques spécifiques de cette époque sont ici remis au goût du jour par une simple couche de vernis sélectif cuivré apposé sur l’ensemble des supports de branding.

www.anagrama.com/project/branding/fanabela

On apprécie la grande variété de couleurs pastels utilisées pour l’identité visuelle de Fanabela. Le design est soigné et élégant, le packaging nous raconte une histoire, donnant à la marque une identité forte et pleine de personnalité.

Color of the Year 2019

Pour clôturer en beauté cet article haut en couleur, découvrons ensemble la couleur Pantone de l’année à venir !

2019 sera fun et joyeuse ! L’Ultra-Violet de 2018 laisse place au Living Coral, un corail pêchu aux nuances dorées.

Présente naturellement dans les récifs coralliens, cette teinte chaleureuse, réconfortante et vivifiante, connotant la plage et les vacances, a vocation de symboliser l’optimisme recherché pour l’année à venir. On l’associera aisément à d’autres couleurs telles que des roses poudrés ou des bleus nuit profonds pour en faire ressortir toute l’intensité. Elle se déclinera sur les prochaines collections mode, déco et beauté de l’année 2019, vous n’avez donc pas fini de la voir !

Retrouvez ci-après quelques outils sur le site Pantone pour savoir comment donner du rythme à vos créations avec cette nouvelle nuance : store.pantone.com/fr/fr/color-of-the-year-2019

A base de popopopop

Qu’est ce qu’une pop-in ? La pop-in, ou modal, est une fenêtre qui s’ouvre à l’intérieur de la page web ouverte. Le plus souvent elles s’affichent au centre de notre écran et prennent le contrôle de la page courante tant qu’elles n’ont pas été quittées par l’utilisateur. Mais on peut également les retrouver sur le côté, en bas ou en haut de l’écran à la manière d’une notification.

Elles sont personnalisables à la charte du site et peuvent être de tailles et de formes diverses, contenir plus ou moins d’informations… Elles permettent de mettre en avant des inscriptions à une newsletter par exemple, ou bien la mise en avant d’un code promo, déposer ou télécharger une ressource, obtenir le détail d’un élément, etc.

A base de popopopop, je développe

Beaucoup d’internautes n’apprécient pas les pop-ins, car très souvent elles apparaissent de façon inopinée et intrusive. Mal utilisées, elles interrompent les utilisateurs quand ils sont en train de naviguer sur un site, de consulter un article ou de comparer des produits. Bien souvent les utilisateurs ne sont pas préparés à ces “pop”, ils sont surpris et un sentiment d’agression les envahit, et par conséquent il n’est pas rare que le premier réflexe soit de la fermer sans même avoir compris son utilité.

Suite à cette action, de multiples sentiments peuvent se mélanger : la frustration de ne pas pouvoir consulter en toute tranquillité la page, l’incompréhension liée au fait de ne pas avoir sollicité cette pop-in, et surtout la peur d’avoir fermé rapidement un contenu qui aurait pu être important.

Un autre facteur déclencheur de ce réflexe bien souvent incontrôlé est que les pop-in dans leur procédé ressemblent à s’y méprendre aux pop-up, qui sont des publicités intrusives ou même des malwares. Les utilisateurs ont pris comme habitude défensive de fermer le plus vite possible ces parasites qui n’ont rien à voir avec le contenu du site sur lequel ils sont et qui bien souvent déposent des virus sur leur machine. Ces dernières années ont a vu une hausse de l’utilisation des adblocks qui empêchent les publicités d’apparaître. Conséquence directe de la mauvaise gestion des formats publicitaires par les annonceurs.

Pour toutes ces raisons il est primordial d’intégrer les pop-in de son site dans une logique de parcours utilisateur. Ne surtout pas froisser les internautes en les multipliant, car au mieux ils les ignorent et au pire ils quittent le site. L’image que renvoie le site devient négative. En tant qu’UX Designer nous devons savoir conseiller nos clients sur les limites et les avantages apportés aux parcours utilisateurs du site.

Bien utilisées, elles sont un outil de mise en avant d’information extrêmement efficace, qui pousse l’utilisateur à l’action.

Pop, pop, pop. Entrez !

La présence et l’apparition d’une pop-in doit être pertinente. De manière générale il faut attendre que l’utilisateur ait sollicité quelque chose avant de lui afficher une pop-in, par exemple créer un compte sur un site suite à un clic sur le bouton “mettre en favoris” est tout à fait logique, et c’est le genre de fonctionnalité qui peut se faire rapidement en une petite pop-in pour la première étape, puis qui mène à une page plus complète.

Sur un site d’e-commerce pour proposer une newsletter ou informer l’utilisateur de promotions, l’idéal est de faire apparaître une pop-in sur la première page visitée par le client. Sur un site éditorial la newsletter peut-être proposée après que l’utilisateur ait consulté plusieurs articles ou une fois qu’il est arrivé en bas de la page, avec une pop-in de bas de page discrète.

On évite au maximum les navigations complexes dans la pop-in. Gardons toujours à l’esprit que la pop-in ne doit pas contenir un site complet, rappelons qu’elle est là pour mettre en avant une action ou une information. Le fait de ne pas quitter la page sur laquelle on est, de l’apercevoir derrière la pop-in, crée un lien direct entre l’action de l’utilisateur et la pop-in, cela indique également qu’il y a surement d’autres actions à effectuer sur cette page.

Ne jamais afficher plusieurs pop-in à la suite !

Surtout pas de pop-in qui apparaissent une fois à droite, une fois à gauche, au milieu, puis en bas. On ne joue pas à cache-cache avec l’utilisateur, même si c’est rigolo.

Il faut aussi toujours se demander si la pop-in fonctionnerait en mobile. Car elle doit s’adapter aux trois support : desktop, tablette et mobile. Surtout dans un monde où l’usage du mobile surpasse l’usage d’un ordinateur en desktop.

Exemple d’une pop-in sur l’ancienne version du site Historic Columbia https://www.historiccolumbia.org/ La navigation est complexe et l’utilisateur est obligé de scroller pour lire l’article, il perd ainsi le focus du bouton pour la refermer.

Beaucoup de designers dans un soucis d’esthétique retirent les boutons et la croix en haut à gauche de la pop-in, de tel sorte que le seul moyen de quitter la pop-in si on souhaite l’ignorer est de cliquer en dehors de son cadre. Ces pop-ins sont imposées aux utilisateurs et leurs donnent l’impression de ne pas pouvoir en sortir, et donc d’être contraint.

Exemple du site Michi, leur pop-in d’abonnement à leur newsletter ne propose ni croix ni bouton “non merci” (https://michiny.com)

Pop, pop, pop, Popcorn !

Une pop-in attrayante est une pop-in qui accrochera l’oeil de l’utilisateur et retiendra son attention.

On peut utiliser des photos ou des pictogrammes pour signifier un point d’alerte, un envoi, etc. Les images sont des outils formidables afin d’aider les utilisateurs à identifier l’information du premier coup d’oeil.
Encore une fois, la pop-in doit faire partie du parcours utilisateur, il doit l’identifier comme faisant parti de votre site, elle ne doit pas donner la sensation de sortir du parcours. Pour cela, le soin qu’on y apporte est le même que pour le reste du site. N’oublions pas que c’est un outil très utile, aidons les utilisateurs à les apprécier.

Voici quelques exemples de pop-in originales pour lesquelles on sortirait les popcorns !

https://pe-nation.com
Robin Jeanney
Daria
Fariz Ikhsan
Siobhan O’Brien
Beatrice Effy Castaldo
https://99designs.fr/

Le futur de l’UX Designer, ou… “Je sais que je ne sais rien.”

J’ai toujours tenté d’aborder mon travail en gardant en tête cette phrase prêtée à Socrate. Non pas par nostalgie de mes cours de philosophie ou encore en ma qualité d’ancien helléniste, mais bel bien parce que cet adage est le point de départ essentiel à n’importe quel travail d’UX.

Prendre conscience que l’on ne sait rien sur le sujet que l’on va devoir aborder (même si cela est faux) est la meilleure garantie d’amener sa mission à bien en y apportant le plus de pertinence. Elle est la source de l’empathie essentielle à notre métier, du désir et du besoin d’exploration du sujet nécessaire à la réussite d’un projet.

Cependant, depuis quelque temps, cette phrase revêt un tout autre sens : à savoir qu’il va être nécessaire de repenser en profondeur la profession d’UX Designer dans les années à venir. C’est devenu une certitude pour moi, une nécessité même et ce pour plusieurs raisons.

Vers la mort annoncée de l’UX Designer ?

Alors non, il ne s’agit pas de brandir une fois de plus le spectre de la mort annoncée des UX Designers, comme certains ont bien voulu nous le faire croire ces derniers temps, notamment avec l’apparition des chatbots

Bon nombre de “spécialistes”, parfois (souvent) autoproclamés, se sont acharnés à nous persuader que les chatbots allaient totalement reconditionner l’expérience utilisateur, que l’IA (Intelligence Artificielle) répondrait de façon parfaite à leurs besoins et qu’il ne nous restait plus, à nous UX Designers, qu’à pleurer en rangeant dans des cartons nos personas, jeux de tri de cartes, journey maps et autres outils qui constituent notre quotidien. Heureusement les faits nous ont montré que ce n’était pas le cas et que ça ne le serait probablement jamais.

Tout d’abord parce que ces petites IA ont besoin qu’on leur montre la voie. A ce jour, un chatbot ne prouve son efficacité que si un UX Designer (tiens donc) prend le temps d’écrire et de peaufiner des scénarios d’exploration pertinents. L’autre problématique est que les utilisateurs ne leurs font pas confiance. Les études de Berkeley J. Dietvorst1, professeur à la Booth School of Business de l’Université de Chicago, l’ont prouvé : même si les utilisateurs se disent assez intéressés par la chose (45%), leurs réponses suivantes prouvent qu’ils sont “sceptiques” (40.1%),  “pas rassurés” (39.1%), et même “suspicieux” (29.8%) quant à leur utilisation et les réponses qui leurs sont proposées. En résumé, les gens ne font pas confiance aux décisions, aux réponses ou aux recommandations de l’intelligence artificielle. A qui la faute ? Un peu à tout le monde à vrai dire…

La première erreur (donc leçon) est que la technologie ne fait pas tout ou plutôt n’est pas valable pour tout si elle est mal conçue et mal employée. Cet échec vient du fait que, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, cet outil n’a jamais été véritablement pensé “User Centric”. S’il l’avait été, l’adhésion des utilisateurs aurait été bien supérieure à ce qu’elle est. Et les chiffres évoqués plus haut ne seraient pas à un tel niveau, véritable révélateur indiscutable des frustrations utilisateurs. Intéresser davantage d’UX Designers à sa conception aurait sûrement permis d’éviter ce genre d’écueils.

La deuxième erreur (et là aussi leçon) est que les UX Designers n’ont peut-être pas su s’intéresser à la chose (moi le premier, je vous l’avoue, mea culpa), ou tout du moins pas suffisamment et trop tard. C’est peut-être là le signe que notre profession, bien que baignée dans une vieille constante, souffre désormais d’automatismes récurrents qui, jours après jours, provoquent sa disparition. Car après tout, soyons francs, des propos comme “Une captation de prospect par un formulaire ? T’inquiète gars, c’est comme le projet du mois dernier, je te fais ça en deux deux !” ou bien encore “Un chatbot dans un tunnel d’achat ? Mais pas besoin ! Je maîtrise, je te fais ça en trois étapes maxi. Il ne sert à rien le chatbot !” ne relèvent pas de la fiction.

Non pas de mort, mais plutôt une mue.

A vrai dire, le chabot n’est qu’un exemple d’une technologie qui est venue bousculer les “habitudes” des UX designers. Et dès demain, ce ne sera qu’un exemple parmi tant d’autres. Il faudrait être fou pour penser que ces nouvelles technologies, quelles que soient leurs formes ou leurs applications, ne seront pas légions à l’avenir. Les types de terminaux se multiplient, les interfaces qui les caractérisent aussi, tout comme les capteurs et moyens d’interagir avec eux. Il est vital pour la profession de prendre en compte ce bouleversement, de l’anticiper et de véritablement l’intégrer à notre travail de réflexion et notre processus métier.

Songez qu’il y a seulement quatre ans, les premiers lecteurs d’empreintes faisaient leur apparition sur nos smartphones. Dans ce laps de temps, nous avons multiplié les moyens d’interagir avec eux (reconnaissance faciale, vocale, de mouvement avancé, etc.). Toutes ces avancées nous poussent à concevoir aujourd’hui des interfaces en mesure d’exploiter tous les bénéfices apportés par ces capteurs, à en tirer pleinement parti afin de répondre au mieux aux besoins exprimés par les utilisateurs. Il s’agit également d’anticiper leurs attentes en trouvant les moyens de lier ces avantages technologiques aux besoins cachés et latents des utilisateurs. Par exemple dès demain, sur nos TVs, smartphones, montres connectées, des capteurs d’eye tracking nous permettront d’anticiper en live le parcours d’un utilisateur dans une interface et ce, beaucoup plus rapidement que par une interaction gestuelle ou vocale. Nous n’y parviendrons pas sans IA, mais l’IA n’y parviendra pas non plus sans nous. C’est autant de stories, de parcours, qu’il nous faudra, nous UX Designers, envisager, concevoir, écrire, adapter, peaufiner, réaliser. Notre valeur est là et continuera à être là.

La clef : l’innovation

Une mue donc, mais en ayant comme cible l’innovation. Comment faire ? En oubliant quelque peu nos process et méthodologies UX pour nous rapprocher de celles du Design Thinking. Elles nous permettent d’avoir une vision plus complète des enjeux projets, dans laquelle on embrasse à la fois et plus largement les facteurs humains (utilisateurs et clients), l’aspect technologique et la réalité business. C’est en répondant correctement à ces trois questions que l’innovation prend vie. C’est elle qui nous permettra d’apporter des réponses adéquates et novatrices, et ajouter de la valeur au métier d’UX.

Tout d’abord il s’agit de ramener l’utilisateur au centre de nos préoccupations et le client plus encore.

Great UX doesn’t guarantee a great Customer Experience”
(Une bonne UX ne garantie pas une bonne expérience client).

Adam Richardson(

Les retours d’expériences post conception (CX) deviennent de plus en plus importants pour les futures itérations en révélant les “unmet needs” (les besoins cachés) et en permettant de lier la techno à l’UX. Prenez l’exemple du système de scan de carte de crédit pour la saisie des informations de paiement. Depuis quand ce système est répandu ? Très récemment. Depuis quand la technologie est disponible ? La caméra ? L’ICR (Intelligent character recognition) ? Presque une éternité à l’égard de l’histoire des smartphones : 8 ans. Alors pourquoi n’a-t-il pas été déployé avant ? Parce que nous UX, nous étions sûr de notre méthodologie, de notre savoir. Si nous avions prêté plus attention au CX, à observer l’usage, nous nous serions bien évidemment rendu compte que n’importe quel utilisateur rencontrait des difficultés à saisir ces informations (leur CB dans une main, leur smartphone dans l’autre) et qu’une autre voie était possible car la technologie était déjà là.

De la même façon, il faut également prendre en compte la technologie beaucoup plus que nous le faisons aujourd’hui. Anticiper les nouvelles technologies prochainement déployées afin d’anticiper nos futures interfaces, les moyens d’interagir avec elles, d’apporter un plus grand confort d’usage et une plus grande satisfaction à nos utilisateurs. Mais aussi avoir une réflexion poussée sur l’IA, la façon dont elle peut nous servir, dont elle peut servir les utilisateurs et comment y greffer notre expertise. Comme l’explique Thomas H. Davenport3 dans son livre The AI Advantage : “Beaucoup d’entreprises aujourd’hui annoncent fièrement « On a une IA ! », et « Elle a été intensivement testée. ». Mais est-ce que c’est seulement suffisant ? Que signifie « Nous avons une IA » ? A vrai dire pas grand-chose, à partir du moment où elle n’a pas de réalité tangible pour l’utilisateur, qu’elle n’a pas été pensée et normée par des designers. ” En clair, l’IA n’est pas notre ennemi. C’est un outil comme un autre. A nous de l’employer à bon escient, de participer plus activement à son élaboration, de rendre cette expérience riche pour nos utilisateurs.

Enfin, ne perdons pas de vue le caractère business et stratégie digitale de nos projets. Comme pour les sujets précédents, nous devons nous impliquer plus que nous n’avons l’habitude de le faire. Là aussi les challenges sont trop importants pour que le sujet soit simplement effleuré. En termes de maturité digitale dans leur transformation, les entreprises sont divisées en trois groupes : Early, Developing et Maturing. Les études de Jeanne Ross4, chercheuse au MIT prouvent que les deux premiers groupes mettent en place des stratégies digitales qui ne correspondent ni véritablement à leur cœur de métier, ni aux besoins réels de leurs utilisateurs et clients, et c’est là la principale raison de leur échec. “Vous devez impliquer vos clients et utilisateurs dans le processus de définition de vos offres digitales, à la designer et concevoir avec eux.” ajoute-t-elle. Et c’est là précisément notre rôle !
Mais notre importance est également dans la captation des besoins utilisateurs déjà existants, notamment les latents, afin d’être force de proposition pour de nouveaux business digitaux.

Au final, quelles perspectives pour demain ?

Au-delà de l’aspect auto-critique de cet article, il s’agit d’appréhender et d’anticiper le futur de l’UX Designer. Il est clair pour moi que notre champ d’investigation et de compétences doit s’élargir afin de répondre aux problématiques de demain et à celles auxquelles dont nous devons déjà faire face aujourd’hui.

L’un des moyens à notre disposition est de sortir de notre “cadre de confort”, d’être encore plus “open minded” que nous ne le sommes, en adoptant des méthodologies annexes et complémentaires, telles celles qui ont fait leur preuve en Design Thinking. Elles sont aptes à nous proposer un plus large champ de vision sur notre métier et les projets dans lesquels nous nous investissons, à rendre notre action plus pertinente et riche.

La question qui reste en suspens est “Jusqu’à quand est-ce que ce sera valable ?”

En effet, plusieurs études révèlent déjà que de nouvelles catégories de postes vont faire leurs apparitions dans le digital et auxquelles les entreprises ne sont pas préparées. Des postes qui pourraient découler de l’UX Designer ou en constituer des branches spécifiques. C’est par exemple le cas des “AI Sustainers” ou encore des “AI Trainers”, à savoir la personne en charge de “l’éducation” des intelligences artificielles, qui leur apprendra comment se comporter, comment guider les utilisateurs, comment répondre au mieux à leurs attentes.
Comme c’est le cas pour de nombreuses transformations technologiques, les défis sont souvent plus humains que techniques. A nous, UX Designers, d’y avoir notre place.

Références

1 . Berkeley J. Dietvorst est professeur à la Booth School of Business de l’Université de Chicago. Ses recherches sont publiées dans Journal of Experimental Psychology: General, Management Science, and Academy of Management Journal. Il est également consultant pour le Financial Times, la Harvard Business ReviewThe New York Times, et The Boston Globe.

2 . Adam Richardson est Group Product Manager chez Financial Engines, et était auparavant Directeur Stratégique à l’Innovation chez Frog Design. Il est l’auteur de Innovation X: Why a Company’s Toughest Problems are its Greatest Advantage.

3 . Thomas H. Davenport est président du Distinguished Professor of Information Technology and Management au Babson College de Wellesley (MA). Il est l’auteur de The AI Advantage (MIT Press, 2018)

4 . Jeanne Ross est chercheuse en chef au MIT Center for Information Systems Research (CISR)

Nos coups de coeur Inktober 2018

L’Automne a entraîné avec lui le retour d’Inktober, le célèbre défi lancé par Jake Parker en 2009 qui encourage tous les artistes et néophytes du monde entier à réaliser un dessin par jour pendant tout le mois d’Octobre.

Chacun est libre de suivre le thème imposé par Jake ou de laisser libre cours à son imagination, la règle d’or étant d’utiliser exclusivement des outils traditionnels ! Exit donc le support digital pour ce challenge, on laisse sa souris de côté au profit de son pinceau, ses aquarelles ou ses rotrings.

Voici une sélection non exhaustive de 10 comptes Instagram qui ont particulièrement excellé dans ce challenge pour cette 10e édition.

Will Murai

Les nouveaux abonnés et les likes ont fleuri durant le mois d’octobre sur le compte de Will Murai grâce à cette magnifique série de dessins aux influences japonaises qui dénote complètement de ses réalisations professionnelles pour Blizzard Entertainment.

https://www.instagram.com/willmurai/

Heikala

Nous restons dans un style japonisant avec les aquarelles douces et poétiques de Heikala, illustratrice scandinave. Ne manquez pas les vidéos de son processus de travail filmées pour chacune de ses aquarelles, c’est encore plus efficace que l’ASMR 😉

https://www.instagram.com/heikala

Jake Parker

Cela ne lui suffisait pas d’inventer le concept du Inktober, Jake Parker s’est donné un challenge supplémentaire en réalisant un seul dessin : une large fresque composée de 31 espèces intergalactiques qu’il a dévoilé au fur à mesure du mois – chacun des personnages étant accompagné d’un petit texte racontant son origine.

Ajouter un peu de storytelling dans ce challenge ramène indéniablement plus de caractère à toutes ces créatures !

https://www.instagram.com/jakeparker/

Juan Moru

Squelettes, créatures horrifiques, chairs à vif et corps en putréfaction, la thématique d’Halloween est ici savamment illustrée au moyen d’une aquarelle vibrante aux couleurs plutôt froides.

https://www.instagram.com/juanmoru/

Hookie Duke

On ne pourra le nier, Hookie Duke a le souci du détail ! Ses dessins alternent entre représentations de personnages androgynes à la chevelure dense et ébouriffée, ou d’animaux mystiques symbole de mauvais augures. On notera également le soin particulier apporté à la mise en scène de ses dessins avec l’ajout d’accessoires venant renforcer l’ambiance onirique.

https://www.instagram.com/hookieduke/

Sofi Rubina

Respectant le thème imposé, Sofi Rubina s’ajoute une contrainte de plus en privilégiant la typographie comme fil conducteur. Texte et illustration s’entremêlent pour former une composition graphique originale et cohérente.

https://www.instagram.com/brian_gallery_art/

Laurie A. Conley

Bien qu’étant restée comme beaucoup dans la thématique d’Halloween, l’univers de Laurie A. Conley se distingue des autres avec un style d’encrage hachuré à la plume, esthétique rappelant le travail de Gustave Doré, Edward Gorey et plus généralement les gravures des années 1900. Quelques personnages récurrents tels que la petite mort ou les fantômes inoffensifs viennent ponctuer les publications, racontant un semblant d’histoire dans un ton décalé et enfantin, que l’on verrait bien finir dans un conte pour enfants.

https://www.instagram.com/laurieaconleyart/

Koter Ink

Changement d’ambiance avec l’univers sombre et violent de Koter Ink et ses personnages essentiellement masculins. Maîtrisant la morphologie et les expressions à la perfection, son style n’est pas sans rappeler le travail de Guarnico Juanjo et ses animaux anthropomorphes dans la bande dessinée BlackSad. L’artiste accompagne chacune de ses publications d’un timelaspe, acte d’autant plus impressionnant qu’il révèle un tracé à main levée, sans aucun croquis préalable.

https://www.instagram.com/koteri.ink/

Chelsea Trousdale

Découvert tardivement, le travail de Chelsea Trousdale a été un vrai coup de cœur ! Ayant choisi le thème de la conquête spatiale, on se prend vite d’affection pour Ronnie, jeune astronaute et Pip, son chien fidèle. Ici encore, un soin tout particulier est apporté au storytelling, permettant d’amener du contexte à chaque scène, pour laisser ensuite l’imaginaire de chacun faire le reste.

https://www.instagram.com/chelsea_trousdale

Alba Ballesta González

Au vu du nombre considérable de ses arcanes, le tarot est un support parfait pour le Inktober challenge. Chaque année on en voit fleurir de nouveaux, on retiendra ici celui d’Alba Ballesta González, qui met en scène différents personnages du jeu de tarot dans des décors lunaires désertiques, ajoutant ça et là quelques touches de rouge au crayon de couleur pour sublimer certains éléments de ses compositions.

https://www.instagram.com/albabbgg/

Si vous aimez le concept du tarot, je ne peux m’empêcher de glisser une 11e participation, même si l’artiste s’est finalement arrêtée à mi chemin du challenge.

https://www.instagram.com/vforviu/

Côté Agence’O

À l’agence on est fan du concept, tant et si bien que Marie-Laure s’est laissée prendre au jeu durant le mois d’octobre !

https://www.instagram.com/papermaio_ink/

#parisweb. L’UX du futur

Retour sur la conférence d’Amélie Boucher “L’UX du futur : au delà des buzzword” traitant des expériences conversationnelles avec des machines learning.

Quels sont les impacts de ces nouvelles technologies sur leurs utilisateurs ? Facilitent-elles réellement les usages ? Pour répondre à ces questions, Amélie Boucher prend pour exemple trois technologies que nous utilisons quotidiennement, ou presque.

Les assistants vocaux

Les utilisateurs emploient de plus en plus les interactions vocales via les smartphones et objets connectées afin d’obtenir des informations, réaliser une action, accélérer une recherche… Les promesses apportées par les assistants vocaux sont multiples : celle de défier l’espace, ne pas avoir besoin de la vision, ne pas avoir à faire d’efforts.

C’est un tout nouveau monde qui s’offre aux designers UX.

Pourtant Amélie Boucher est loin d’être convaincue. Selon elle, les assistants vocaux ne sont pas adaptés à toutes les situations, voire même utilisables uniquement dans de rares contextes de tranquillité, chez soi et sans bruit alentour. Il est vrai qu’il est toujours compliqué dans un environnement bruyant ou dans un lieu public d’exprimer des requêtes orales à une interface.

Cet argument ne pose aucun problème à l’essentiel du marché que sont les utilisateurs d’enceintes intelligentes. Ces enceintes sont de petits joujoux que nous déposons sur une étagère et que nous utilisons pour impressionner nos invités en soirée avec des : “Ok Google…”, “Dis Siri…”, Hey Cortana…”, “Alexa…”. Le taux d’adoption de ces produits ne cesse d’augmenter : Selon une étude d’OCC Strategy Consultants les foyers équipés de ces enceintes pourraient passer de 13% aujourd’hui à 55% en 2022.

Ces gadgets confrontent néanmoins les utilisateurs à de réelles problématiques.

La complexité du langage homme / machine

Amélie Boucher nous fait remarquer que demander quelque chose à une enceinte prend du temps : une phrase est linéaire et il n’existe pas de raccourci. Cela paraît être une remarque sommaire, pourtant en discutant avec un utilisateur de Google Home, j’ai appris que dire “Ok Google…” à chaque fois qu’il faut s’adresser à l’enceinte peut être très agaçant. A force d’utilisation nous souhaitons aller au plus court. Pourquoi s’encombrer de formalités face à un robot ?

La variété des choix proposés

Lorsque nous naviguons sur un site e-commerce, la multiplicité des produits rend l’utilisation d’un assistant vocal inutile : l’enceinte ne peut pas nous dicter la liste de tous les produits, nous aurions oublié les premiers items avant même qu’elle arrive à la fin de la liste. Utiliser l’interface d’une enceinte intelligente pour commander sur un site demanderait des capacités mémorielles considérables. Par conséquent, l’enceinte va se limiter à deux, trois choix. Certainement les produits des marques les plus actives du marché.

Se pose alors la question de la réduction du périmètre du champs des possibles. Que faisons-nous de l’ouverture à la liberté ?

L’exemple d’un site e-commerce est très parlant, mais pour n’importe quel autre site dès qu’il est question de choisir dans une liste, la découvrabilité devient faible.

Résultat : les requêtes exprimées auprès de ces enceintes intelligentes doivent être simples et leurs réponses également. Les conversations sont bien entendu limitées en ce sens et les utilisateurs s’adaptent comme ils peuvent. Amélie Boucher parle de la rationalité sèche des enceintes intelligentes.

Les chatbots

Bien connues, les chatbots sont une technologie en pleine évolution – nous vous en parlions ici.

Les chatbot sont des logiciels robots présents sur les sites afin d’aider les utilisateurs à naviguer. Disponibles à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, ils sont moins rebutant qu’une FAQ ou un appel téléphonique.

Ces chatbots sont facilement identifiés grâce à leur interface similaire à celle des messagerie instantanées, toujours située en bas à droite des sites. Un atout, car aujourd’hui tous les internautes utilisent régulièrement ce type d’interface. La fonctionnalité de cet outil est donc évidente pour l’utilisateur : quelqu’un va répondre à ses interrogations instantanément ou presque.

Ces chatbox sont très utiles car elles permettent d’entrer en relation avec les utilisateurs, avec un modèle d’interaction ancré dans leurs usages.

AMélie Boucher

Si vous cherchez sur Internet ce qu’est un chatbot vous verrez souvent sa définition associée au verbe “simuler”. Le chatbot simule une conversation, il joue un rôle, celui de l’humain. C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles il nous arrive de douter de l’identité de notre interlocuteur. Est-ce un humain ou un robot ? Et ce doute peut-être fondé car derrière les chatbox des conseillers humains peuvent également se cacher. Une étude de Pew Research Center réalisée sur 4 500 américains informe que seulement 47% des sondés se disent capables de faire la différence entre un chatbot et un humain. Autrement dit plus de la moitié des utilisateurs ne savent pas à qui ils s’adressent.

Soyons honnêtes, avant même de poser nos questions dans une chatbox nos premières interrogations vont être sur la nature de ladite “Lucie”. Nous jouons très souvent aux devinettes en posant des questions pièges. Ce jeu, bien que amusant, fait perdre du temps à l’utilisateur. D’autre part une appréhension sur le ton à adopter, ainsi que de la frustration peuvent vite se créer. Nous ne nous adressons pas de la même manière à un robot ou à une personne. Si votre robot se fait passer pour un humain, les utilisateurs lui poseront des questions très formelles et précises et ils risquent de se retrouver face à un chatbot qui échouera à leur répondre. Hors s’ils savent dès le début que c’est un robot ils s’adapteront naturellement dans la formulation de leurs questions et iront à l’essentiel. Il sera alors plus évident pour votre robot de répondre correctement aux demandes.

Amélie Boucher nous alerte particulièrement sur les chatbots bavards qui nous en disent trop avant même que l’utilisateur ait pu engager une conversation. Tout comme sur l’utilisation de chatbots inadaptés sur des sites qui ne proposent pas de service client.

La technologie des chatbots est astucieuse, mais attention à ne pas provoquer de mauvaises expériences.

Les pré-réponses

Une autre expérience de machine learning est celle des pré-réponses dans les boîtes de messagerie, comme Gmail, Facebook, LinkedIn et bien d’autres. Grâce aux suggestions de réponses proposées par l’interface, l’utilisateur gagne du temps, il n’a plus besoin de taper au clavier, en deux clics la réponse est envoyée !

Amélie Boucher nous fait remarquer qu’en choisissant la solution de facilité les gens sont moins investis dans leur réponse, ils ne prennent plus le temps d’écrire et n’ont plus besoin de réfléchir. En effet, la machine le fait pour eux. D’autant plus que le principe même du machine learning est d’apprendre de ses expériences et donc des autres, c’est à dire de tous les utilisateurs. Comprenons par là que les réponses proposées sont celles de tout le monde. Pourtant, chacun a sa propre manière de dire les choses.

Evidemment nous ne sommes pas du tout obligés de répondre “MERCI !” si nous ne le souhaitons pas. Mais, comme nous le savons tous, le pouvoir suggestif d’une interface est immense. Et il est toujours plus facile de choisir les raccourcis.

Amélie Boucher nous interpelle sur l’éventuel appauvrissement du discours. Si tout le monde parle de façon identique et de manière brève, les réponses pré-proposées le seront également. Pour pousser plus loin la réflexion : est-ce qu’un appauvrissement du discours ne serait pas égal à un appauvrissement de la relation ?

Cette technologie est sans doute intéressante dans une relation homme/machine (réponses rapides et efficaces). Mais est-elle éthiquement viable dans une relation humain/humain ? Le trop d’efficacité n’entraîne-t-il pas une perte d’humanité ?

En tant qu’UX Designers nous devons avoir conscience des avantages de ces technologies qui évoluent sans cesse mais aussi de leurs dérives sur les comportements des utilisateurs. Et c’est en connaissance de cause que nous devons les conseiller ou non à nos clients pour leurs futurs produits.

#parisweb. Ethique & UX Design

A ParisWeb cette année, l’ambiance était à rêver sur le futur des professions du web. L’occasion pour certains auditeurs et conférenciers de méditer sur le rôle éthique de l’UX Designer dans les années à venir.

Sabine Condiescu est l’une d’entre eux. Elle aborde dans sa conférence “L’Ere de l’analyse à tout va, ou comment les applications nous rendent accro à leurs produits”, la question des réseaux sociaux et des dérives comportementales qu’ils peuvent entraîner chez les utilisateurs.

Les Messageries instantanées

Prenons l’exemple des boîtes de messageries instantanées des réseaux sociaux.

Depuis quelques temps, lorsque nous discutons avec quelqu’un, nous pouvons observer trois points de suspension qui s’agitent en bas de l’écran : cela nous informe que notre interlocuteur est en train de nous répondre.

Selon Sabine Condiescu ce renseignement anodin peut être scruté et être angoissant dans la mesure où la réponse ne vient pas. Si l’interlocuteur est en train d’écrire quelque chose et que finalement il se ravise, il se peut que nous nous demandions pourquoi et que cette question nous obsède.

De la même manière, sur un grand nombre de messageries, il est possible de savoir, grâce aux statuts, si (et à quelle heure) un message a été vu. Si l’on attend la réponse de l’autre avec impatience et que trois jours plus tard il n’a toujours pas répondu, une appréhension peut se créer.

Mettons-nous à la place de l’interlocuteur de l’exemple ci-dessous.

Nous recevons un message que nous lisons mais nous ne souhaitons pas y répondre tout de suite :  Pas assez occupé pour le lire mais trop occupé pour ne pas pouvoir prendre le temps d’y répondre ?

De multiples raisons peuvent nous amener à ce genre de comportement, mais une pression sociale due au fait que nous savons que l’autre a eu un feedback de notre lecture nous incite à répondre le plus vite possible. On ne peut pas juste l’ignorer en feignant de ne pas l’avoir vu.

Messenger – Le feedback des points de suspension signifie que notre interlocuteur est en train d’écrire.

Vous l’aurez compris, ce que souhaite nous dire Sabine Condiescu est que ces feedbacks sont néfastes car ils provoquent un stress pour les utilisateurs.

Cette inquiétude de l’attente de réponse existait déjà à l’époque des échanges épistolaires et des petits mots glissés subtilement. A moindre échelle car nous étions moins “connectés” qu’aujourd’hui… et sans doute plus patients.

Le ressenti évolue en fonction de nos capacité technologiques, et ce dans une société où nous sommes de plus en plus dans l’instant/l’immédiateté. Ces sentiments d’impatience ne peuvent que grandir, avec des générations de plus en plus demandeuses de feedbacks – en attente du nombre de likes / messages / commentaires pour se rassurer sur soi-même.

Conséquence de cette impatience, les utilisateurs passent de plus en plus de temps sur ces mêmes réseaux. Sabine Condiescu nous signifie qu’en plus de créer des comportements anxiogènes, les réseaux sociaux nous rendent accros.

Instagram / Snapchat

Sur Instagram les stories nous incitent à nous connecter régulièrement afin de ne rien rater de l’actualité des personnes que nous “suivons”. Ephémères, les stories ont une durée de vie de 24 heures. Par conséquence nous avons besoin d’être sur-connectés afin de ne pas perdre des informations qui nous paraissent essentielles…

Instagram – les stories sont mises en avant sur le haut de l’écran

Sabine Condiescu cite également l’application Snapchat, un réseau social qui a beaucoup de succès chez les adolescents. Les utilisateurs obtiennent une récompense sous la forme d’une flamme quand ils échangent très régulièrement avec d’autres personnes. Résultat : plus nous obtenons de flammes plus nous sommes “populaires”. Et si la relation n’est pas entretenue la flamme meurt. Belle allégorie de la vie !

Snapchat – en utilisant la notion de récompense – pousse ses utilisateurs à revenir sans cesse sur l’application afin de préserver les succès obtenus.

Snapchat – les flammes dont affichées à côté des contacts, le nombre correspond aux nombres de jours consécutifs où la flamme est entretenue.

Gamification

Cette volonté d’offrir des récompenses est ce qu’on appelle la “gamification” d’une application. Entre nous, cette stratégie est d’une efficacité redoutable. Sur le site Senscritique par exemple, les membres du réseau font l’objet d’une évaluation par leur pairs grâce aux badges. Plus un membre à de badges, plus il est actif sur le réseau et plus il gagne en notoriété. Obtenir des badges du type “500 fois” soit avoir rédigé 500 critiques, “prêcheur” inviter une personne à rejoindre la communauté ou encore “Le vote compte” qui consiste à donner des notes, devient donc un jeu qui offre énormément de satisfactions et qui pousse l’utilisateur à être toujours plus présent sur le réseau.

Sens Critique

L’idée de perdre ce qui a été acquis difficilement ou de rater une information sociale cruciale qui nous permettra de montrer aux autres qu’on est à la page est difficile à envisager pour beaucoup d’entres-nous, nous nous sentons “obligés” d’être à l’affût des notifications. Toujours prêts à dégainer la nouvelle arme sociale, nos téléphones !

Pour Sabine Condiescu, l’addiction est malheureuse car les réseaux sociaux distraient notre attention et empêchent notre concentration quotidienne.

Elle illustre son propos par une étude réalisée par Microsoft au Canada en 2015. Cette étude confirme que notre durée moyenne d’attention est passée de 12 secondes en 2000 à 8 secondes en 2015, les chercheurs suggèrent que les notifications du téléphone et l’alternance entre les micro-tâches invitent le cerveau à délaisser les longues périodes de concentration. Microsoft rappelle qu’un poisson rouge peut rester concentré pendant 9 secondes…

Sabine Condiescu conclut sa conférence en pointant du doigt les stratégies commerciales qui selon elle ont prises de mauvaises décisions. Si en tant qu’UX designer nous pouvons anticiper ce genre de conséquences, il est de notre devoir de ne pas encourager l’utilisations “d’outils” qui pourraient conduire à des problèmes comportementaux : angoisse, impatience, addiction, baisse de la concentration, etc. Pour elle il est question de choix éthiques.

Il est vrai que notre métier est de sans cesse nous remettre en question en nous demandant si nous allons dans le bon sens. En employant dans nos designs les feedbacks des réseaux sociaux et la gamification, nous invitons les utilisateurs à rester en alerte et à revenir régulièrement sur nos sites et applications. Dans des optiques de conversions et d’augmentation des leads, nous encourageons très clairement une sur-connexion : l’utilisateur est satisfait de son expérience donc il revient.

Cela dit, peut-être devons nous dès aujourd’hui nous demander si les nouvelles technologies et les gimmicks des réseaux sociaux sont une vraie plus value pour nos utilisateurs, ou s’ils ne sont, comme le décrit Sabine Condiescu, que des outils commerciaux anxiogènes.

Annuel, RSE, d’activité… au rapport !

Aujourd’hui on s’intéresse aux publications “lourdes” que sont ces chers rapports annuels, rapports RSE, rapports intégrés, bilans sociaux, documents d’assemblée générale, etc.

Pour de nombreuses entités, l’établissement de ces documents est obligatoire. Ouvrages complexes et exigeants, ils sont destinés à informer les différentes parties prenantes quant à l’activité de la société, ses ambitions pour les années à venir, son regard quant à l’année passée, …

Renfermant un ensemble d’informations que l’on penserait trop souvent indubitables et à peine parcourues, tant la mise en forme est qualifiée de secondaire face au fond même du propos… On a tendance à associer le rapport annuel à une suite de tableaux Excel, graphiques laids et illisibles, notes de bas de page plus longues que l’article même, annexes de 3 kilomètres, etc.

Alerte Spoilers ! Maquettistes comme Graphistes aiment le rapport d’activité ! Parce que c’est cool, parce que ça peut être fichtrement beau et orchestré, et qu’on s’en donne à coeur joie de créer de la visualisation de données.

Parce qu’en effet, il y a belle lurette que les sociétés ont embrassés la culture du data design au service d’un contenu intelligemment et agréablement mis en valeur. C’est fini le pavé cale-porte qu’on ouvre une demi seconde pour jouer l’intéressé(e).

Éditer son rapport d’activité, c’est participer à la communication active de son image. Les entreprises le savent et elles se prennent au jeu de “l’objet à consulter de l’année”. Exercice laborieux dans la constitution de son fond il est vrai, il n’en n’est pas moins une réelle opportunité de communiquer ses réussites, ses valeurs, la pluralité de ses équipes, ses réalisations, engagements et ambitions.

En somme, travailler ces publications, c’est valoriser son image et participer à la stratégie de sa communication. Ces documents sont des outils stratégiques et fédérateurs, dont il est important de réaliser la portée de communication interne, mais également externe.

On ne vous apprend rien n’est-ce pas ! Par contre, on peut faire avec vous le tour de ces petites pépites graphiques qui émoustillent nos regards de créatifs. On en prend pleins les mirettes !

Le Report Love :

  • Les Graphiquants pour KERING :

Année après année, on attend avec impatience de visualiser le rapport annuel de Kering, effectué par le studio graphique des Graphiquants. On vous a sélectionné la version 2015…

Une utilisation intelligente et toujours très brandée du “K” de Kering. Une grille “coupée-décalée”, des visuels élégamment et sobrement apposés afin d’illustrer les marques du groupe (Gucci, Bottega Veneta, Alexander Mc Queen, Volcom, etc.)

  • …ainsi que l’indémodable version 2014 :

Notre amour du pattern, des dégradés éthérés et de la forme pour la forme, ne s’en remet toujours pas, 4 ans après. La version 2017 est visible ICI. Bien que nous ayons publié un article sur l’épure totale du brutalisme dernièrement, nous nous avouons un peu déçus par la version de cette année… Graphiquement parlant, on est restés sur notre faim.

  • Caroline Fabès pour PARIS HABITAT :

Une grille constructiviste ; et on comprend pourquoi, lorsque l’on parle d’habitat. La typographie se fait immeuble, dessinant avec les motifs présents le plan d’un rapport annuel mobile et contemporain.

  • Toujours PARIS HABITAT, mais en 2014, par l’Agence Simone
  • Ici on retrouve la présence forte de la construction ; comme éclatée et très acidulée. On s’amuse, c’est beau, c’est fun. A consulter son rapport annuel, il fait bon vivre chez Paris Habitat !

    • Aussi acidulé et dans le jeu de formes aux lignes de conduites très construites, le rapport annuel de  l’Université Bretagne Loire (UBL), réalisé par Pollen studio en 2017 :

    Le cartouche du logotype est repris et décliné comme pour dévoiler les diverses strates du document imprimé. Une grande part à l’illustration humanise le rapport d’activité. L’ajout de “bruit” dans l’illustration et les aplats de couleurs rend plus sensible le travail de l’édition.

    • Du même studio graphique, et avec le même traité “bruit”, le rapport annuel de Ouest Valorisation, en 2017.

    “Le bruit un jour, le bruit toujours !” Chez Agence’O, on aime particulièrement ce traité. Nous l’avons notamment utilisé pour le rapport annuel 2018 de Paris21, Partenariat dont le but est de promouvoir, influencer et faciliter la croissance des pays en voie de développement, à l’aide notamment d’une meilleure utilisation des statistiques.

    • ôde aux carreaux emblématiques de la maison Burberry, réalisée par Tiffanie Sibille en 2015 :

    De la même manière que l’exploitation poussée du logo Kering par Les Graphiquants, Burberry décline ici son célèbre pattern, imprimé en transparence sur la couverture, servant de base aux différents graphiques du rapport, ainsi qu’en reliure japonaise au revers des pages. Une édition au graphisme très propriétaire !

    • Un bond très arty pour Art&Innovation Space (on comprend pourquoi 🙂 par we3studio en 2017.

    Traitée comme un magazine et présentée de manière aussi disruptive, on salue cette édition au design très innovant !

    La rentrée est belle et bien sonnée, et avec elle, son flot de rapports à créer. De notre côté, on a déjà commencé à imaginer, designer et maquetter ces fameux rapports.

    Si vous souhaitez discuter du vôtre avec nous, voici notre numéro, on se fera une joie de concevoir vos datas !

    1 2 3 4